Le monde du surnaturel japonais a le vent en poupe depuis quelques années ! Porté par des succès internationaux dans des extrêmes aussi éloignés que The Ring ou Naruto, ce folklore presque sans limites séduit tout autant qu’il effraie grâce à un imaginaire parfois perçu comme «décalé» mais surtout passionnant. La Kuchisake-Onna s’illustre parmi les légendes les plus connues du genre – ayant largement profité de l’effet Sadako dans les années 2000 -, et elle a participé à la création d’un stéréotype bien connu dans le monde entier : le fantôme vengeur japonais.
Où trouver la Kuchisake-Onna ?
À l’origine de toute légende japonaise, il y a une rencontre.
Il se dit que vous rencontrerez cette femme masquée en pleine nuit, non loin d’un poteau électrique. Ce Yōkai d’apparence tout à fait normale est vêtue d’un trench coat beige qui couvre son corps, ainsi – et c’est là son point le plus caractéristique – que d’un masque chirurgical qui lui cache une grande partie du visage. Aidant encore moins à son identification, une masse de longs cheveux sombres qui tombe souvent sur son visage tant qu’elle n’aura pas relevé le regard vers vous.
Une apparition étrange puisqu’elle se contente de se tenir là, sous la lumière d’un lampadaire et qu’elle ne fait rien d’autre… que de vous attendre. En effet, une fois que vous passerez à côté d’elle, elle vous adressera la parole et votre destin sera alors scellé.
Elle vous demandera alors «Suis-je belle ?» (私はきれい?), quelque soit votre réponse elle abaissera son masque pour vous faire découvrir une bouche béante, un visage tranché d’oreille en oreille et sanguinolent. L’issue la plus probable de cette rencontre est votre mort soudaine.
Yōkai à la sauce moderne : masque & trench coat
Si la définition et l’image du Yōkai peinent quelquefois à sortir de leur cadre traditionnel, de nombreuses légendes urbaines continuent de perpétuer le mythe des fantômes et monstres japonais. Une des représentations les plus connues et caractéristiques de cette modernisation est sans aucun doute possible la Kuchisake-Onna.
Aux côtés des fantômes terrifiants de The Grudge ou The Ring – qui font d’ailleurs partie de la même sous-catégorie de Yōkais, les onryōs ou fantômes vengeurs -, la Kuchisake-Onna s’est hissée au rang de référence parmi les fantômes féminins hantant le Japon et effrayant ses habitants.
De nos jours, on se croyait à l’abri d’une rencontre inopinée avec la Kuchisake-Onna en dehors du Japon mais c’était sans compter sur la pandémie de Covid-19… Alors que le port du masque est devenu la norme, il semble désormais que l’on puisse trouver ce Yōkai à chaque coin de rue. Farfelu ? Pas tant que ça quand on sait que la Kuchisake-Onna et sa légende prennent racine dans un fait divers…
Juste une légende, vraiment ?
La Kuchisake-Onna est effectivement une vrai star, il faut dire qu’en plus d’être effrayante elle est photogénique… On parle beaucoup d’elle sur le net, relayant facilement les multiples versions de son histoire contemporaine.
S’il est difficile de se fier à ces multiples sources pour faire la lumière sur ce fantôme japonais, on recoupera facilement les versions pour enfin toucher le nerf de la guerre :la vague de panique causée par sa légende dans les années 1970. C’est la théorie la plus largement relayée concernant l’histoire de la Kuchisake-Onna, une «épidémie» de témoignages durant les années 70 au Japon causée par une real life Kuchisake-Onna apparaissant devant des écoliers à la sortie des cours.
Et on vous le confirme, ce n’est pas farfelu.
Des traces persistent – même sur internet –des questions et témoignages sur yahoo answersqui redirigent finalement versdes articles plus sérieux sur des journaux (maintenant hors ligne) attestant d’apparitions de ce Yōkai au cœur des nuits nippones. Mais même au Japon, tout le monde n’est pas dupe : de nombreux articles de blogs reprennent les faits pour casser le mythe et y réinjecter un peu de vrai :c’est bien une série d’incidents dans la région de Gifu qui auraient fait naître cette version de la légende… Incidents avérés ? Difficile de mettre la main sur des articles «d’époques» sur le net mais les effets sont bien là : la version moderne de la Kuchisake-Onna, femme aux longs cheveux noirs et à la bouche déchirée apparaît avant de se refaire une popularité dans les années 2000.
La Kuchisake-Onna à l’ère Edo
Vous lirez de temps à autres des références à une version Edo de cette légende. C’est une sorte de variante !
Le Kitsune est un Yōkai doté de pouvoirs de transformations et quelque soit son type – tous les Kitsunes différents, c’est encore un monde ! – il adore faire des farces plus ou moins mesquines aux humains… Dans une de ses aventures, il prend l’apparence d’une femme au visage tranché d’une oreille à l’autre pour effrayer un servant qui passait par là. Un peu violent la blague puisque le bougre en est mort de peur.
Une autre variante de l’ère Edo nous narre de façon plus floue la rencontre entre un client et un acteur de Noh dont le visage se déchire de la même façon.
L’air de famille est flagrant mais on est bien loin des histoires telles qu’on peut se les raconter aujourd’hui, il semble évident que c’est plutôt les événements des années 70 et non ces vieilles légendes qui ont forgé le profil de la Kuchisake-Onna tel qu’on le connaît.
Petit guide à l’usage des malheureux.ses qui rencontrent une Kuchisake-Onna
L’issue la plus probable de cette rencontre est la mort, oui, mais on peut toujours essayer de survivre !
Une belle âme a rassemblé les différents cas de figures possibles si un jour ce Yōkai venait à vous demander : suis-je belle ?
Un examen attentif de ce diagramme vous apprendra que vous ne pouvez pas vous en sortir. De rien.
Des techniques, ou plutôt des hypothèses, il y en a quelques unes. Vous pouvez lui lancer des bonbons – affamée, elle devrait se jeter dessus et vous oublier. De la cire pour cheveux ou un parfum de jasmin pourrait également la faire fuir – ça lui rappelle un ex. Enfin, lui répondre en lui retournant la question… À vos risques et périls.
Une influence dans l’imaginaire… et dans le réel
La légende urbaine de la Kuchisake Onna, c’est son fond de commerce. Elle vous fait peur à l’oral, en manga ou encore en film mais pas que ! La demoiselle s’est invitée dans le monde réel sous la forme d’une maison hantée et d’un festival traditionnel japonais dans la ville de Gifu !
Las de voir l’allée marchande de sa ville se dépeupler,un auteur et une commerçante se sont associés pour ramener la Kuchisake Onna afin de faire peur aux plus petits comme aux plus grands. On aime la détester et Gifu n’est pas le seul endroit du Japon qui l’accueille encore malgré son statut : la Mizuki Road dans la préfecture de Tottori qui est ornée de nombreuses statuettes en l’honneur du mangaka Shigeru Mizukia elle aussi réservé une place à la belle.
En France, vous pourrez la découvrir en manga sous le titre dela Femme Défigurée publiée chez les éditions Delcourtet outre-Atlantique ou au Japon c’estle film «Carved: the slith-mouthed woman» qui lui rend hommage.
Outre ses références claires, il paraît évident que ce genre de fantômes a sans doute eu bien d’autres faux-amis dans l’univers imaginaire,certains voient même dans la représentation du Joker de Batman par Heath Leadger une inspiration appuyée à la dame.
Une multitude d’occasions et de support pour aller à la rencontre de ce Yōkai emblématique… En attendant le prochain sur votre route !
Écoutez la Librairie Yōkai
Enregistré en octobre 2019, le premier épisode du podcast La Librairie Yōkai était consacrée à cette femme masquée.